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GATABASE
FIGURE 1

suis autophage. me suis avalé seul.
plus rien d'autre à manger.
brandis le poing au ciel comme si j'allais le casser.
casser le ciel et faire un abri avec les décombres.
construire des palais de mémoire.
tu te souviens de la fois où nous sommes morts là-bas ?

FIGURE 2

le 7 novembre 1492, une lumière est entrée dans l'atmosphère terrestre.

elle s'est écrasée dans un champ de blé d'ensisheim. elle y a formé un cratère de deux mètres de diamètre.

ses morceaux se sont éparpillés au sommet d'une église, à la bibliothèque de colmar, dans un musée, sur un site d'enchères en ligne.

cette lumière, qui est épaisse et large, ni rouge, ni orange, ni bleue, cette lumière ; comme celle d'un tableau d'art visionnaire, cette lumière est un corps.
un corps qui pré-existe, un corps avant le monde.

comme celui des machine elves, ces génies métamorphes éblouissants qui voyagent dans les consciences à travers des mandalas en forme de chrysanthème et se présentent aux humains afin de changer leur vie pour toujours.

cette lumière n'est pas une pierre, ou une météore, ou un soleil, c'est un alien.
un corps céleste étranger aux corps que la loi universelle de la gravitation arrime.
pure lumière dans le néant.
maintenant, tout dépend de ça, de la lumière.

c'est cette lumière, et bien cette lumière, non pas celle du jour, ou des orages, mais la lumière divine ; celle qu'on voit les yeux fermés, c'est bien cette lumière qui est extraterrestre, qui existe, c'est cette lumière.

FIGURE 3

tu ne te souviens pas. pas grave.
le monde est hostile et l'existence bizarre.
tout est une catastrophe que rien ne justifie.
sur les empires en ruine il y a d'autres empires.
tu ne sais pas.
je me gratte les veines. j'erre ensorcelé.
je brasse le néant où je flotte.
je subis l'emprise des lieux.

FIGURE 4

il perçoit son existence comme une route. il y a un seul nuage au-dessus de la route, tout le reste est transparent. sur son axe, il suit une course qui l'emmène vers un horizon hypothétique. autour, les poids lourds, les chariots, les voitures en transhumance avancent, les pylônes défilent ; il ferme les yeux dans les virages. il sent le vent. il conduit. il n'a jamais eu de permis.

FIGURE 5

je le regarde, et rien ne l’arrête, pas même la nuit, à laquelle je croyais que rien ne pouvait s'opposer. je le regarde, et il respire, reflète une lumière qui n'existe même pas.

il m'épuise, à vrai dire. aspire toute l'énergie que j'avais rassemblée pour vivre. il me l'a prise, m'a tout pris. continue à tout me prendre, à manger en moi.
je regarde son visage mais ne vois rien.
je reste, j'ai pris racine dans sa main. je reste.

je suis immobile. je suis seul, calme et anéanti.
je sais qu'il va faire surgir quelque chose du néant.
je sais qu'il va donner une substance au vide, qu'il va lui trouver une vibration supérieure à la puissance du silence.

FIGURE 6

sur ce monde fait de lignes, qui s'allongent et qui se superposent, il existe surtout dans le défilement. sur ce monde fait de lignes, qui toutes sont parallèles, la moitié va dans un sens, et l'autre moitié va dans l'autre sens ; puis sur ces lignes passent, extrêmement rapidement, d'innombrables tentatives de se rencontrer. impossible de les voir à l'œil nu.

FIGURE 7

en regardant tous ces paysages, toutes ces choses qui restent pendant qu'il part, il accélère. il se souvient à quel point il est… à quel point il se sent… il ne sait pas comment dire. il n'existe pas, dans son vocabulaire, de mot pour désigner cette vague. le sentiment océanique, sans doute.

FIGURE 8

c'est dans le noir que je vais te chercher
dans le noir il n'y a rien faire à part attendre
le pire c'est l'attente
l'attente c'est celle de ceux qui renoncent
c'est le geste des proies

je baisse la tête je réprouve
ma promesse
la promesse de protéger les proies
les proies qui sont mortes d'avoir renoncé
les proies la mort et la promesse
et le silence est un chasseur

si tu restes ce soir nous allons nous connaître
si tu as besoin de voir ce qu'il y a dans nos silences
fermes mes yeux sous les tiens
regarde l'aube monstrueuse
qui se lève sur ceux qui n'ont pas su rentrer
tous ceux qui ont eu la flemme
ou qui n'ont pas de maison.

tous ceux qui disparaissent
dans les zones crépusculaires
dans les heures impossibles
les cavernes et les rêves
dans les ko techniques
ceux-là sont ma famille
ceux-là n'ont pas de nom
ceux-là sont noirs
et vivent dans la lumière.

FIGURE 9

ghosts of my life,
haunt me